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Par Christophe Duhamel
13 juil. · 3 mn à lire
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Le bouton qui nous rassure...

Ces petites actions qui nous donnent le sentiment d'avoir un levier sur le monde.

On l'a tous fait : dans un ascenseur, appuyer sur le bouton de fermeture des portes dans l'espoir de gagner quelques dixièmes de secondes.

Geste futile, nous en avons conscience, qui -vous en aviez peut-être l'intuition- ne sert en général à rien. Car oui, dans l'immense majorité des cas, ce bouton n'est pas connecté et n'a donc aucune action sur l'ascenseur. Alors pourquoi le laisser ?

En fait, les ascenseurs sont fabriqués pour de nombreux pays où les réglementations et les systèmes de fonctionnement des ascenseurs sont différents (en France, il y a une temporisation minimale pour permettre aux personnes âgées ou aux personnes en fauteuil roulant de ne pas se faire coincer dans la porte). Mais surtout, l'expérience de l'ascenseur est meilleure quand on pense avoir un impact dessus.

Pourquoi appuyer sur le bouton ?

En quoi gagner quelques fractions de secondes va-t'il changer quelque chose ?

En présence d'autres passagers, ce peut être un geste d'affirmation de soi. On montre qu'on prend en charge et qu'on est du genre à prendre les décisions. Le côté "mâle alpha", même si une femme peut tout autant utiliser ce geste pour s'affirmer. Ou à l'inverse, cela peut être un moyen de montrer qu'on est au service des autres et qu'on fait son maximum pour améliorer leur expérience.

Plus simplement, c'est souvent un geste d'énervement pour exprimer le fait qu'on est insatisfait de sa situation à ce moment précis.

Ce peut être aussi la réponse à une petite voix qui nous répète qu'on n'est pas assez efficace, qu'on n'est pas assez rapide, pas assez dans l'action, trop dans la lune (c'est mon cas en général).

Mais n'y a-t-il pas d'autres boutons sur lesquels nous appuyons tout au long de nos vies ?

L'ascenseur n'est pas le seul endroit où nous rencontrons ce phénomène. Pensez aux boutons des passages piétons qui n'accélèrent pas toujours le changement de feux, aux thermostats dans les bureaux qui ne modifient pas réellement la température.

Le bouton "fermer les portes" de l'ascenseur est un exemple parmi tant d'autres de ces petites actions quotidiennes qui nous procurent un sentiment de maîtrise. Ranger notre bureau, organiser notre sac, préparer notre café du matin : toutes ces tâches anodines nous donnent l'impression de mettre de l'ordre dans le chaos, de reprendre le contrôle sur notre vie.

Lorsque notre angoisse est forte, cela peut donner des TOCs (Troubles Obsessionnels Compulsifs), qui arrivent parfois chez les plus jeunes lorsqu'ils ouvrent les yeux sur les angoisses majeures de la vie que sont la mort, la maladie ou la perspective de la disparition -un jour- de ses parents, de ses proches ou de soi-même. Ils cherchent un moyen de se rassurer.

Et reconnaissons-le, des rituels, nous en avons tous, comme autant de "pensées magiques" qui nous donnent l'illusion du contrôle. Parfois c'est une petite phrase qu'on chantonne comme un mantra, parfois c'est un geste, une parole, une pensée...

Bien sûr, nous savons que ces gestes n'ont qu'un impact limité (voire inexistant) sur le cours des choses. Mais ils nous permettent de garder une certaine prise, de ne pas nous sentir complètement passifs face aux événements.

Donner le sentiment d'avoir de l'impact

Ce besoin de se sentir actif, voire important, est parfois utilisé par d'autres.

J'ai vécu, en entreprise, ce séminaire où nous devions réfléchir pendant 3 jours et trouver ensemble des voies de développement de l'activité... J'avais l'intuition -qui s'est avérée juste- que le chemin était fléché et les résultats déjà connus avant même de commencer. Mais j'en ai vu l'immense bénéfice pour tous les employés : le projet n'était plus celui de la direction, mais celui choisi par les employés eux-mêmes. Tout le monde y croyait-il vraiment ou chacun prenait-il intuitivement cela comme un récit qui glorifiait l'importance du collectif ? Peu importe, ça fonctionnait.

Mais ce besoin de se sentir actif et important aux yeux du monde peut aussi être utilisé de manière plus problématique : les gourous et fondateurs des sectes et mouvements complotistes de tous poils connaissent bien ce levier.

Deux phénomènes sont très fortement corrélés (et liés aux votes extrêmes) : la nostalgie d'un monde passé idéalisé et la perméabilité aux théories complotistes. On revient au vide laissé par la disparition d'un récit majeur qui nous aide à appréhender un monde de plus en plus complexe. Les théories complotistes offrent une vision du monde rassurante : elles permettent de donner un sens à des événements chaotiques et incommodants, en les attribuant à l'action intentionnelle d'individus ou de groupes malveillants.

En croyant à une théorie du complot, on a l'impression de comprendre ce qui se passe, de ne plus être victime des aléas du hasard ou de la malchance. On se sent plus en contrôle, comme si l'on détenait une connaissance cachée que les autres n'ont pas.

La réalité est, j'en suis convaincu, que le monde est bien trop complexe pour que quiconque (état profond, reptiliens, Bill Gates ou qui que ce soit) puisse "tirer les ficelles" d'une manière ou d'une autre. Par contre, de nombreux "groupes d'influence" utilisent ces théories et ces leviers pour agir sur l'opinion à travers les réseaux sociaux, voire les médias "classiques" dans le but d’affaiblir certains groupes aux intérêts opposés.

Alors, faut-il continuer d'appuyer sur le bouton ?

Plutôt que de voir cette illusion de contrôle comme une tromperie, nous pouvons l'utiliser à notre avantage. Ces petites actions nous rappellent que nous sommes actifs dans notre environnement et que chaque geste, même symbolique, peut nous aider à naviguer dans notre journée avec plus de confiance.

Alors, la prochaine fois que vous appuyez sur ce bouton "fermer les portes" de l'ascenseur, souvenez-vous que même si son efficacité est discutable, le pouvoir qu'il a sur votre esprit est bien réel. Ces petites actions nous donnent le sentiment d'avoir un levier sur le monde, et parfois, c'est tout ce dont nous avons besoin pour nous rassurer.

Christophe

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