S'il y a un marché qui ne connait pas la crise, c'est bien celui des compléments alimentaires. 2,6 milliards d'Euros en 2022 en France et 250 milliards d'Euros en 2024 à l'échelle mondiale, soit presque la moitié du marché des cosmétiques !!!
Les compléments alimentaires occupent une place de choix dans les rayons des pharmacies et des magasins Bio. Promettant une santé de fer et une vitalité sans égale, ils sont souvent perçus comme des alliés incontournables de notre bien-être. Mais qu'en est-il vraiment de leurs bienfaits ? Sont-ils aussi efficaces qu'on le prétend ou ne sont-ils qu'un produit marketing savamment emballé ?
Vaste question que nous n’allons pas résoudre aujourd’hui, mais essayons de poser les bases d’un doute scientifique et raisonnable.
Une chose qui m’a mis la puce à l’oreille est l’extraordinaire efficacité des outils marketing des marchands de compléments alimentaires. Titres accrocheurs, entonnoirs de vente optimisés, promesses (et menaces) convaincants (voire culpabilisateurs), astuces de nudge marketing efficaces (“il ne me reste plus que 21 boîtes et je ne sais pas quand ce produit sera à nouveau disponible”), abonnements… Ils sont tellement forts que ça en devient louche… D’autant que certains discours n’hésitent pas à utiliser des arguments contre la main mise de Big pharma et autres figures de style complotistes. Alors qu’eux sont des bienfaiteurs de l’humanité, bien sûr (à 49,99€ le pot).
Prenons un exemple qui a explosé lors des 2 dernières années…
L'idée selon laquelle la vitamine C liposomale est nettement supérieure à la vitamine C classique est souvent véhiculée par le marketing (qui a réussi à squatter les premières places dans les résultats de recherche). Mais que disent les études scientifiques ?
Une étude publiée dans le European Journal of Nutrition en 2017 a comparé l'absorption de la vitamine C liposomale et de la vitamine C classique chez des volontaires sains. Les résultats ont montré que la différence d'absorption était minime et non significative statistiquement.
Une autre étude, parue dans le Nutrition Journal en 2018, a examiné l'effet de la vitamine C liposomale sur la fonction immunitaire chez des athlètes. Là encore, aucune différence notable n'a été observée par rapport à la vitamine C classique.
Ces études suggèrent que la vitamine C liposomale n'offre pas d'avantage majeur en termes d'absorption ou d'efficacité par rapport à la vitamine C classique. Par contre, son prix est en général trois fois supérieur !
Certains chercheurs émettent même l’hypothèse d’un impact négatif de ces formes liposomales sur la membrane intestinale (sans que cela ait été démontré pour l’instant). A suivre…
L'utilisation croissante de nanoparticules dans les compléments alimentaires soulève des inquiétudes quant à leurs effets potentiels sur la santé.
Des études animales ont montré que les nanoparticules pouvaient altérer la structure et la fonction de la muqueuse intestinale. Une étude publiée dans Nanomedicine: Nanotechnology, Biology, and Medicine en 2019 a examiné l'effet des nanoparticules de dioxyde de titane sur des souris. Les résultats ont montré que les nanoparticules provoquaient une inflammation et une perméabilité accrue de la muqueuse intestinale, augmentant ainsi le risque de passage de toxines et de pathogènes dans l'organisme et diminuant leur immunité.
Une autre étude, parue dans le Journal of Agricultural and Food Chemistry en 2020, a étudié l'impact des nanoparticules d'argent sur des rats. Les résultats ont révélé que les nanoparticules altéraient la composition du microbiome intestinal et provoquaient des lésions de la muqueuse intestinale.
Il est important de noter que les recherches sur ce sujet sont encore en cours et que davantage d'études sont nécessaires pour évaluer pleinement les risques potentiels des nanoparticules. En attendant, il est recommandé de privilégier des compléments alimentaires ne contenant pas de nanoparticules. Eviter tout ce qui contient du E170, E171 (interdit normalement), E172, E341, E551 ou E552. A éviter aussi dans l’alimentation, en particulier les bonbons et chewing gums !
La biodisponibilité d'un complément alimentaire est la quantité de nutriment qu'il libère dans l'organisme et qu'il rend accessible aux cellules pour exercer ses effets. Ce facteur est crucial car il détermine l'efficacité réelle d’un produit.
Or, la biodisponibilité des compléments alimentaires peut varier considérablement d'un produit à l'autre. Des études ont montré que la forme (comprimé, gélule, sirop, collyre, crème, solution injectable, etc.), le mode de fabrication et la présence d'autres ingrédients peuvent influencer la biodisponibilité d'un nutriment.
Par exemple, une étude publiée dans Pharmacological Research en 2018 a comparé la biodisponibilité du fer sous deux formes différentes : le sulfate ferreux et le bisglycinate de fer. Les résultats ont montré que le bisglycinate de fer était absorbé de manière plus importante et plus efficace que le sulfate ferreux.
Une autre étude, parue dans l’European Journal of Nutrition (2019), a révélé que les particules de Curcuma plus petites étaient mieux absorbées que les particules plus grosses.
Ces études soulignent l'importance de choisir des compléments alimentaires dont la biodisponibilité a été démontrée scientifiquement. Ce qui n'est pas une mince affaire car la plupart des études sont réalisées... par les labos qui vendent les compléments alimentaires !
Malgré les nombreuses controverses, certaines études indépendantes montrent que certains compléments alimentaires peuvent être efficaces. Par exemple, une méta-analyse publiée dans JAMA en 2002 a révélé que les suppléments de calcium et de vitamine D peuvent réduire le risque de fractures osseuses chez les personnes âgées. Une autre étude publiée dans The Lancet en 2011 a montré que les suppléments d'oméga-3 peuvent réduire les taux de mortalité chez les patients atteints de maladies cardiaques. Enfin, une étude parue dans The American Journal of Clinical Nutrition a démontré que les suppléments de folate pendant la grossesse peuvent réduire le risque de malformations congénitales du tube neural chez les nouveau-nés.
Mais dans l’immense majorité des cas, il n’y a guère de preuve de succès des compléments alimentaires. Les plus emblématiques étant ceux qui vous promettent une perte de poids : ils ne font en général maigrir que votre portefeuille !
N’oublions pas néanmoins l’effet placebo, qui donne en moyenne 30% de succès, ce qui est probablement largement au-dessus de l’efficacité des la plupart des produits. C’est déjà ça, non ?
Bref, le doute ne vous sauvera peut-être pas de la vieillesse, du surpoids, du diabète ou du rhume des foins, mais ils vous fera sans doute faire quelques économies.
Christophe
NB : cette newsletter n’a aucune prétention médicale, elle est juste l’expression d’un doute croissant face aux efforts marketing développés par les marchands de compléments alimentaires. Dans le doute, consultez un médecin !
Pourquoi cette newsletter ?
C’est une manière pour moi de tester et pratiquer les fabuleux outils aujourd’hui à notre disposition, mais aussi de mettre à l’épreuve ma propre capacité à réfléchir et à partager cette réflexion. N’hésitez pas à me suggérer des sujets… ou à me dire ce que vous en pensez (en positif comme en négatif !). Et bien sûr, partagez-la avec vos amis ! Plus vous serez nombreux.ses à la recevoir, plus l’exercice aura d’intérêt.